Oct 292024
 

Dans le contexte des motions de censure conservatrices déposées cet automne au Parlement et des manœuvres opportunistes des autres partis d’opposition, le Parti communiste réaffirme qu’il ne place aucune confiance envers un Parlement dominé par les intérêts des monopoles. Cependant, un gouvernement conservateur ne fera qu’empirer les choses pour les travailleurs.

Le Parti libéral a été élu il y a près de dix ans grâce à de nombreuses promesses non-tenues. C’était après les huit années précédentes des conservateurs de M. Harper, qui avaient mis en place un programme agressif contre les travailleurs, s’était associé à des forces d’extrême-droite, à des « climatosceptiques » et à un appui sans failles envers les aventures impérialistes des États-Unis et de l’OTAN. Le gouvernement Harper était dirigé par des libertariens issus de groupes de réflexion à la solde du grand capital. Pierre Poilievre, qui prétend aujourd’hui parler au nom des travailleurs, y a joué un rôle de soutien important.

Cependant, nous n’avons pas à choisir entre un gouvernement monopoliste ayant des vues légèrement progressistes sur le plan sociétal et un gouvernement populiste de droite, contrôlé par les entreprises et doté d’un programme réactionnaire. Les travailleurs doivent s’unir et lutter pour la paix, l’augmentation des salaires et du niveau de vie, l’élargissement des programmes sociaux et le recul du pouvoir politique des grandes entreprises. La lutte sur les lieux de travail et dans les rues est décisive en ce moment pour empêcher la consolidation d’un programme intensément réactionnaire. Avec un monde au bord de la catastrophe environnementale et une escalade rapide du militarisme et de la guerre, la situation est grave et urgente.

Le niveau de vie de la classe ouvrière s’est continuellement dégradée sous les gouvernements libéraux successifs. Cette détérioration s’est considérablement accélérée avec la montée en flèche de l’inflation et l’augmentation massive du coût des biens de première nécessité : nourriture, carburant et logement. Bien que la cause de cet énorme transfert de richesse des travailleurs vers les profits des entreprises soit systémique et se produise dans l’ensemble du monde capitaliste, la colère justifiée se dirige strictement contre le gouvernement libéral et Justin Trudeau en particulier. Il est vrai que le gouvernement Trudeau n’a rien fait pour freiner la flambée des prix et relever le niveau de vie. Il n’a pas osé défier les grands groupes de distribution, les magnats des hydrocarbures et les capitalistes financiers.

Néanmoins, en 2022, le NPD a décidé de signer un blanc-seing au gouvernement minoritaire libéral et s’est engagé à le soutenir s’il mettait en place un « régime d’assurance-médicaments » et un « régime de soins dentaires ». Bien que le programme de soins dentaires vise à aider des millions de personnes, il est soumis à plusieurs conditions, n’est pas universel et ne couvrira finalement qu’une petite partie de la population et ne s’appliquera qu’à certains actes médicaux (les caries essentiellement). Le programme d’assurance-médicaments introduit en 2023 ne couvre que le diabète et les contraceptifs. Malgré deux ans d’appui du NPD au gouvernement libéral, le Canada demeure le seul pays du monde développé sans couverture universelle des médicaments sur ordonnance.

L’accord sur l’introduction d’une législation anti-briseurs de grève est une étape positive, mais qui aurait dû être franchie depuis longtemps. Les travailleurs et leurs familles souffrent depuis longtemps du fait que les employeurs utilisent des briseurs de grève pour saper le droit de grève légal des syndicats. De telles pratiques devraient être interdites dans tout le pays.

Historiquement, le NPD s’est fait le champion des programmes sociaux universels, plaidant pour un large accès à des services tels que les soins de santé et l’éducation, financés par une fiscalité progressive. Toutefois, son soutien actuel aux programmes conditionnés aux ressources disponibles crée un accès différencié et les rend plus vulnérables aux coupes budgétaires. Il s’agit d’un véritable contraste par rapport à ses positions antérieures. 

Malgré cette alliance, le NPD a obtenu peu de choses pour les travailleurs. Il a soutenu la réponse inadéquate du gouvernement à la crise du logement et aux hausses de prix. Il a appuyé avec enthousiasme une augmentation massive des dépenses militaires, qui devraient doubler d’ici 2032. Cette expansion militaire menace l’austérité à venir des programmes sociaux que le NPD prétend soutenir.

En outre, le soutien du NPD aux libéraux n’a pas permis d’obtenir des réformes significatives pour améliorer le niveau de vie, pavant la voie à une résurgence des conservateurs. Pendant ce temps, le gouvernement libéral soutenu par le NPD a maintenu sa réponse inadéquate au réchauffement climatique et a poursuivi des politiques étrangères, y compris le soutien au génocide à Gaza et l’escalade des aventures militaires de l’OTAN en Ukraine, qui rapprochent le monde d’un conflit mondial et d’une catastrophe nucléaire.

Si le parti communiste a critiqué cet accord lors de son dévoilement en 2022, nous critiquons également les raisons pour lesquelles le NPD l’a déchiré. Les vraies raisons sont les opportunités électorales perçues. Avec l’effondrement du soutien au Parti libéral, le NPD a vu une occasion de prendre ses distances et d’espérer remplacer le Parti libéral dans notre système électoral non démocratique pratiquement duopoliste. Le NPD adopte cette stratégie depuis plusieurs années avec un certain succès dans l’Ouest du pays. Les politiques de plus en plus droitières du NPD reflètent cet objectif.

Le Bloc Québécois quant à lui joue avec le feu. L’ultimatum lancé au gouvernement libéral ne sert que ses objectifs nationalistes et électoralistes étroits. Oui, l’augmentation de 10 % des pensions des aînés de 65 à 74 ans améliorerait de façon significative leurs conditions de vie, particulièrement celles des travailleurs retraités. Il est également vrai que la protection de la gestion de l’offre dans les prochaines négociations de libre-échange profiterait aux agriculteurs du Québec et du reste du pays. Cependant, entretenir l’idée qu’un gouvernement conservateur dirigé par Poilièvre serait plus à même de mettre en œuvre de tels programmes est non seulement naïf, mais totalement irresponsable. Par cette manœuvre, le Bloc tente de faire passer le message que les Québécois n’ont pas à se préoccuper de quel Parti est au pouvoir à Ottawa, pourvu que le Bloc y soit bien ancré. Ce faisant, il fait objectivement le jeu des conservateurs et démontre qu’il n’est pas l’ami des travailleurs et des masses populaires du Québec, ni du reste du Canada.

Le Parti libéral mérite sa juste part de condamnation pour avoir appliqué la politique du patronat au cours des neuf dernières années induisant l’appauvrissement des travailleurs. Ils ont été élus lors d’une campagne axée l’« espoir » en 2015, mais ont suscité une colère et un désespoir généralisés. C’est cette colère bien fondée que Poilievre et les conservateurs exploitent pour convaincre les électeurs qu’ils représentent les besoins et les intérêts des travailleurs, alors que les libéraux et « la gauche » représentent les élites, soutenues par les bureaucrates, y compris les « patrons » syndicaux et les intellectuels qui maintiennent le statu quo. Que ce soit clair, les conservateurs représentent le principal danger politique à Ottawa et leur élection susciterait une offensive patronale débridée.

Ils s’abreuvent au populisme de droite utilisé par Trump pour faire basculer la politique à l’extrême droite. D’ailleurs, la montée de l’extrême droite aux États-Unis, en Europe et ailleurs résulte de la faillite du capitalisme et d’une nouvelle tendance à l’abandon des droits et normes démocratiques bourgeois.

En l’absence d’un mouvement syndical de classe renforcé au Canada, ce discours populiste gagne du terrain parmi les travailleurs. Des sondages récents montrent qu’une part importante de syndiqués voteraient pour les conservateurs si des élections fédérales avaient lieu aujourd’hui. C’est une des raisons pour lesquelles les conservateurs espèrent déclencher des élections fédérales anticipées.

Il n’en reste pas moins que les Canadiens ont désespérément besoin d’un gouvernement qui agisse pour construire des logements sociaux abordables dans tout le pays, pour réduire et plafonner les prix des denrées alimentaires, du carburant et du logement, pour introduire des politiques de plein emploi. Ce gouvernement les financerait aisément en réduisant les dépenses militaires et en augmentant l’impôt sur les sociétés. Nous avons besoin d’un gouvernement prêt à prendre des mesures urgentes pour réduire les émissions de carbone et à adopter une politique étrangère de paix et à rompre avec la voie vers une guerre mondiale qu’ouvrent États-Unis. Or, ce n’est pas ce que proposent les conservateurs, les libéraux ni les autres partis d’opposition.

Dans ce contexte, il est impératif que le mouvement syndical, les mouvements démocratiques et populaires entreprennent une action politique indépendante et extra-parlementaire pour exiger un programme populaire.

Chaque fois qu’une élection est convoquée, le Parti communiste présente des candidats afin de populariser les mesures importantes à défendre et à gagner pour faire reculer le pouvoir des entreprises. Nous sommes prêts à présenter des candidats dans la plupart des grandes villes du Canada dans ce but.

Mais ces mesures ne résoudront pas à elles seules le problème fondamental du capitalisme – un système fondé sur l’exploitation humaine, environnementale et sur la guerre – le tout dans l’intérêt des profits capitalistes.

Seul le socialisme, soit la prise de pouvoir par la classe ouvrière, permet de construire une société où les besoins humains et ceux de l’environnement sont en harmonie. Un Canada socialiste est l’objectif du Parti communiste – un changement social fondamental qui est possible, urgent et pour lequel nous devons nous battre.

Comité exécutif central, Parti communiste du Canada