Déclaration du Comité exécutif central du Parti communiste du Canada, le 5 février 2015
Partout au Canada, l’alarme est sonnée contre le projet de loi C-51, la soi-disant « Loi anti-terroriste 2015 », qui donne à l’État canadien de nouveaux pouvoirs pour criminaliser la dissidence publique. En premier lieu, il vise celles et ceux qui sont critiques des politiques d’austérité néolibérales, de la destruction de l’environnement, et de la guerre impérialiste. Ce dangereux projet de loi conservateur aiderait en outre à transformer le SCRS en une force de police secrète, échappant au contrôle du public ou même du Parlement. Le Parti communiste du Canada soutient que le projet de loi C-51 ne peut pas être « amendé » ou « amélioré »; il doit être rejeté par le Parlement, et le SCRS lui-même devrait être démantelé et non pas renforcé.
Ce projet de loi constitue peut-être la plus grave menace pour la liberté d’expression et pour les libertés civiles au Canada depuis l’époque de la Loi des mesures de guerre qui, de la Première Guerre mondiale jusqu’aux années 1970, a été proclamée à plusieurs reprises par les gouvernements afin de suspendre les droits démocratiques, permettant des incarcérations massives de groupes ethniques particuliers, de communistes, de dirigeantes et de dirigeants syndicaux et d’un large éventail de forces démocratiques au Québec, jusqu’à ce qu’elle fusse finalement abrogée par le Parlement en réponse à une large pression publique.
Le but allégué du projet de loi C-51 est de protéger les Canadiennes et les Canadiens contre le «terrorisme», mais son véritable but est d’aider le Parti conservateur à élargir sa base politique en prévision de l’élection fédérale de 2015, en usant de tactiques de peur et d’intimidation. L’objectif sous-jacent est de limiter les doits civiques, les droits des travailleuses et des travailleurs, les droits démocratiques de toutes les citoyennes et citoyens, ainsi que de toutes les résidentes et résidents canadiens, et d’élargir les pouvoirs d’un État de plus en plus autoritaire.
Tenant des discours racistes singularisant les mosquées d’une attention particulière, le premier ministre a ouvertement signifier que des pans entiers de la population sont placés dans une catégorie de terroristes potentiels, considérés «coupables jusqu’à preuve du contraire.» Même le Globe and Mail a averti que «la campagne de peur du Premier Ministre » est utilisée pour changer le SCRS en «quelque chose qui ressemble de façon inquiétante à une force de police secrète.»
Selon cette loi, les agentes et agents du SCRS seront autorisés à agir contre toute «menace pour la sécurité du Canada» perçue, sans mandat judiciaire s’ils affirment que leurs activités ne contreviennent pas à la Charte des droits ou à la loi. Le SCRS serait autorisé à interrompre des sites internet vaguement définis comme «radicaux», et à appliquer des ordonnances judiciaires pour retirer la «propagande terroriste» d’Internet. Le projet de loi abaisse le seuil légal permettant la détention de personnes sans inculpation pénale, et élargit la portée de la « no-fly list ».
Les agentes et les agents du SCRS seront autorisés à pénétrer dans les maisons et les bureaux, à saisir des documents, à enlever tout ce qu’ils trouvent, à installer des dispositifs de surveillance, ou à se livrer à tous les «coups tordus» ou toutes les activités perturbatrices qu’un juge trouvera «raisonnables».
Depuis que le gouvernement a déclaré que le Canada est en guerre, il ya tout lieu de croire que les limites judiciaires de ces pouvoirs policiers seront au mieux minimales, et que ces activités seront intégrées aux «opérations sales» de la CIA à travers le monde. Tout aussi inquiétant, il n’y aura même pas de mécanisme pour que les Canadiennes et les Canadiens puissent simplement surveiller le SCRS, n’autorisant que le Bureau du premier ministre et une petite clique de fonctionnaires, impuissants et complices, à avoir connaissance de ses actions.
La section 16 de C-51 qui interdit de «défendre et de promouvoir le terrorisme”, soulève un large éventail de questions laissées sans réponse. Par exemple, le ministre de la Sécurité publique Blaney a refusé de donner une réponse directe, tant au Parlement ou qu’aux médias, concernant les protestations non-violentes de désobéissance civile contre l’extraction et l’exportation du pétrole des sables bitumineux. L’implication claire des commentaires du ministre Blaney est que toutes les protestations dirigées contre l’industrie de l’énergie sont par définition potentiellement dangereuses, et pourraient tomber dans le cadre général de l’activité «terroriste». De même, les ministres conservateurs qui calomnient à répétition les larges mouvements qui s’opposent à l’occupation de style apartheid par Israël des territoires palestiniens– tel que la campagne Boycott, Désinvestissement et Sanctions – marquent en fait ces mouvements comme cibles des actions du SCRS.
Depuis son arrivée au pouvoir en 2006, le gouvernement Harper s’est engagé dans la surveillance massive des mouvements des peuples autochtones, et a fréquemment utilisé la loi pour forcer le retour au travail contre les syndicats des employé(e)s sous juridiction fédérale, affirmant que les grèves à Air Canada, à Postes Canada, etc., constituaient des menaces pour l’économie. Maintenant, le projet de loi C-51 va criminaliser des actions qui « interfèrent avec la capacité du gouvernement canadien de maintenir la stabilité économique ou financière », une menace évidente à la fois contre le mouvement syndical et le droit de grève, et même contre tout mouvement qui résiste au programme des banques et des compagnies. Les syndicats et les peuples autochtones seront des cibles de choix du SCRS renforcé, comme ils l’étaient pour la GRC qui a été utilisée pendant des décennies par les gouvernements fédéral et provinciaux pour briser les grèves et cibler les militantes et militants autochtones.
En d’autres termes, les Conservateurs de Stephen Harper donnent au SCRS des pouvoirs qui vont bien au-delà de ceux qui ont été retirés à la GRC il y a plus de 30 ans à la suite de ses activités illégales, telles que la grange incendiée au Québec et l’espionnage du Syndicat des travailleurs et des travailleuses des postes (STTP), et en même temps les Conservateurs sont implicitement en train d’établir le programme politique pour les opérations de cette nouvelle police secrète.
Un nombre grandissant de critiques est en train d’émerger, y compris de la part de certains médias et par les groupes de défense des libertés civiles. La chef du Parti vert, Elizabeth May, MP, a condamné C-51 comme ayant une portée si excessive qu’il « pourrait s’appliquer à n’importe quoi ». Les néo-démocrates, les Libéraux et le Bloc québécois ont soulevé des questions sur le manque de contrôle public du SCRS, mais, malheureusement, ces partis d’opposition n’ont pas encore pris une position de principe pour bloquer C-51 au Parlement.
Le Parti communiste fera tout en son pouvoir pour aider à défaire le projet de loi C-51. Nous encourageons vivement les mouvements ouvrier et démocratiques, les groupes environnementaux, les peuples autochtones, les mouvements de solidarité avec la Palestine et les mouvements anti-guerre, les groupes de défense des libertés civiles, et toutes celles et ceux qui se soucient des droits civiques, des droits des travailleuses et des travailleurs, et des droits démocratiques, d’aider à bâtir une campagne puissante, massive et unitaire contre cette loi d’État policier. Une telle lutte à grande échelle peut gagner en mobilisant l’opposition du public à travers le pays!