Jul 212015
 

L’entente signée de refinancement de la dette du 3ième mémorandum entre la Troïka (Commission européenne, le FMI et la Banque centrale européenne) et le gouvernement dirigé par Syriza en Grèce aura des effets désastreux pour la classe ouvrière et le peuple travailleur grec. Elle constitue une trahison monumentale des promesses du parti social-démocrate Syriza de tenir tête aux banquiers européens et d’en terminer avec l’austérité imposée par les précédents gouvernements bourgeois. Les diverses tentatives de Syriza (ou de ses partisanes et partisans à l’étranger) pour excuser ou justifier cette trahison, ou bien voiler la responsabilité du gouvernement Tsipras à Athènes – ne parviennent aucunement à altérer cette réalité fondamentale.

Comme le Parti communiste de Grèce (KKE) l’a correctement relevé dans sa récente déclaration, le gouvernement accable essentiellement la population avec un nouveau prêt d’une valeur de 86 milliards d’euros et les mesures sauvages qui l’accompagnent, telles que la poursuite de la réduction du revenu de la population, de lourds impôts, le maintien d’une nouvelle taxe sur la propriété, une importante augmentation de la TVA sur les articles de consommation des masses populaires et la taxe de solidarité, la réduction des pensions, la mise en œuvre d’un nouveau régime de sécurité sociale encore diminué, la suppression graduelle des pensions complémentaires pour les retraités pauvres et la privatisation systématique de biens publics.

La crise actuelle trouve sa source dans l’adhésion de la Grèce à l’Union Européenne et en particulier dans son entrée dans la zone euro. La dette gouvernementale était déjà élevée avant même son entrée, mais après 2002, les banquiers européens et Wall Street ont inondé la Grèce avec de « l’argent facile » et des arrangements extrêmement généreux de refinancement de la dette.

Cette situation, combinée à l’évasion fiscale des sociétés grecques et des super-riches, a donné lieu à une dette énorme et insoutenable (actuellement estimée à près de 400 milliards de dollars US). Lorsque la crise économique mondiale a frappé en 2008, la Grèce n’arrivait plus à payer leurs intérêts aux banquiers étrangers, sans contracter massivement de nouveaux prêts, cette fois avec des conditions encore plus onéreuses, nécessitant l’imposition au peuple de brutales mesures d’austérité. Les salaires et les pensions ont été réduits, les travailleuses et les travailleurs du secteur public mis-à-pied, et les services sociaux laminés, entraînant un chômage massif, la pauvreté et la misère à un niveau sans précédent.

Sans être aussi aiguës, un certain nombre d’autres pays européens fait face à des crises d’endettement public similaires, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, l’Irlande, la France, et certains des États d’Europe orientale emportés dans le tourbillon de l’UE. Partout, de vicieuses mesures d’austérité imposées par la Troïka et les banquiers privés ont prélevé un lourd tribut des travailleuses et des travailleurs qui ont été réduits à payer pour la crise capitaliste.

Tout cela découle de la nature de classe de l’Union européenne elle-même, qui est dominée par le Capital européen – les grands monopoles et les banques – et qui sert ses intérêts. Les illusions des sociaux-démocrates et autres réformistes « de gauche »  à l’effet qu’il serait possible de transformer ce centre impérialiste en Europe progressiste, démocratique et  « sociale » se sont brisées sur les récifs de cette réalité capitaliste.

Il convient de rappeler la sage observation de Lénine dans son fameux article écrit il y a cent ans, « À propos du mot d’ordre des États-Unis d’Europe » (1915), à l’effet que : « Du point de vue des conditions économiques de l’impérialisme, c’est-à-dire de l’exportation des capitaux et du partage du monde par les puissances coloniales « avancés » et « civilisées », les États-Unis d’Europe sont, en régime capitaliste, ou bien impossibles, ou bien réactionnaires. »

Cependant, parfois les illusions perdurent. Après des années de souffrance à cause des mesures d’austérité imposées, le peuple grec avait espéré qu’avec l’élection de Syriza, l’austérité prendrait la fin et que la crise serait atténuée. Ce n’était pas un jugement naïf ou erroné des masses, c’était ce que Syriza lui-même avait promis s’il était élu. Mais l’enthousiasme du départ s’est rapidement dissipé lorsqu’immédiatement après l’élection, Syriza a conclu un accord avec le Parti des Grecs indépendants (ANEL) en tant que partenaire junior d’une coalition gouvernementale. ANEL compte dans ses rangs des gens d’extrême-droite, certains de ses membres ayant fait explicitement des déclarations antisémites et exprimé le souhait que les immigrantes et immigrants en Grèce soient « retournés dans leur propre pays ». Ensuite, le nouveau gouvernement de Syriza a envoyé son ministre des Finances à Bruxelles pour renégocier les termes de la dette qui asservit la Grèce aux banquiers européens; ensuite, il est revenu sur sa promesse de réembaucher les travailleuses et les travailleurs du gouvernement mis-à-pied; puis il a offert à l’OTAN une nouvelle base navale sur son sol; etc.

À la mi-juin, plus d’un mois avant que cet accord fatidique soit approuvé, notre  Parti avait prédit que « les limites structurelles et programmatiques de Syriza, qui visent la recherche d’un accommodement et d’un «compromis historique» avec le Capital de l’UE, conduiront invariablement à la défaite, à la récupération et à la trahison de ses promesses à résonnance radicale. À notre avis, une véritable avancée de la classe ouvrière ne peut être fondée que sur une « rupture » complète avec la logique de l’état capitaliste, et sur une lutte révolutionnaire déterminée pour remplacer son pouvoir par celui de la classe ouvrière, par le socialisme. » Lorsque le moment fatidique est survenu et que la Troïka a refusé de modérer ses exigences pour les conditions d’une nouvelle série de prêts de renflouement, Syriza a appelé un référendum pour recueillir le soutien des masses derrière sa position de négociation.

Le 61% de votes «Non» était un rejet populaire significatif des politiques d’austérité et des lourdes règles imposées par la Troïka. Toutefois, le gouvernement a été malhonnête à propos de la nature et du but du référendum. Le « Non » était en fait un «Oui» à la contre-proposition de Syriza, qui demeurait essentiellement la même que l’offre de l’UE. Seul le KKE a exposé cette vérité durant la campagne.

En déclarant d’avance sa fidélité au système de l’UE et à l’euro, ainsi qu’à l’agressive alliance de l’OTAN – le gouvernement Syriza n’avait aucune position de négociation ou d’alternative, et était voué à l’échec et forcé d’accepter les conditions imposées par l’UE. Augmenter faussement les attentes du peuple grec pour mettre fin à l’austérité, et puis signer et approuver le mémorandum, qui impliquait en outre plus de coupes des pensions et plus de coupes sociales, des impôts plus élevés, et des privatisations forcées, ne peut être caractérisé que comme une reddition abjecte aux diktats du Capital européen et comme une trahison de la confiance du peuple et de ses intérêts de classe. Il ne fait aucun doute que l’Allemagne et d’autres tenants de la ligne dure a prévalu dans l’imposition de cet accord sauvage, mais Syriza doit également être tenu responsable de cette débâcle monumentale. Pour cette raison, faire référence à un «coup d’État» mené par la Troïka sonne faux, et vise en réalité à absoudre le gouvernement de Syriza de sa trahison et à placer tout le blâme sur Bruxelles.

La nouvelle situation en est une de crise, une crise socio-économique que la récession et les difficultés du peuple va intensifier, et une crise politique au sein-même de Syriza alors que les «critiques» de l’accord se répandent dans ses propres rangs, et qu’il se prépare à trouver de nouveaux «partenaires» parmi les partis bourgeois afin de se maintenir au pouvoir.

Il est clair que ce drame s’est joué exactement comme les communistes grecs l’avaient prédit. Il est aussi clair que la maturation de la crise en Grèce, bien que de toute évidence plus grande et plus profonde que partout ailleurs dans l’UE, est loin d’être unique, et qu’une «rupture» avec l’UE, une annulation de la totalité de la dette, ainsi que gagner le soutien massif de la classe ouvrière à une alternative révolutionnaire fondamentale, semble maintenant être la seule alternative viable pour éviter l’effondrement complet et la résurgence du fascisme.

Dans l’intervalle, les travailleuses et les travailleurs grecs, les agricultrices, les agriculteurs et les « couches moyennes » (petites entreprises, professionnels, etc.), en d’autres termes la grande majorité du peuple grec qui est maintenant accablée par une austérité encore plus sévère, n’a d’autre choix que de s’unir et lutter contre le mémorandum et les forces économiques et politiques qui en sont responsables. Dans cette lutte, le peuple grec mérite notre entière solidarité.

Déclaration du comité exécutif central,

Parti communiste du Canada

21 juillet 2015