Jun 142018
 

Le Parti communiste du Canada appelle le gouvernement Trudeau et le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Ahmed Hussen, à mettre fin aux discussions avec leurs homologues américains à propos de l’élargissement et de la continuation de l’accord xénophobe sur les tiers pays sûrs, et plutôt de s’en retirer immédiatement.

Au cours des deux derniers mois, le ministre Hussen a tenté de conclure un nouvel accord avec les États-Unis pour limiter «l’entrée irrégulière» de réfugié-e-s au Canada. En fait, c’est l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS) elle-même qui oblige les réfugié-e-s à traverser la frontière canado-américaine à des points d’entrée non officiels. Si les prétentions de Trudeau d’accueillir les réfugié-e-s étaient vraiment sincères, l’accord aurait déjà été déchiré en 2015 quand lui et son gouvernement ont été élus.

En 1951, le Canada a signé la Convention et le Protocole international relatif au statut des réfugié-e-s, qui stipulent que le Canada doit accorder une protection à toutes celles et ceux qui demandent l’asile en raison des craintes de persécution ou de décès dans leur pays d’origine. C’est-là l’obligation juridique internationale du Canada.

Il y a quatorze ans, en 2004, le gouvernement libéral d’alors a signé l’ETPS avec le gouvernement américain de George W. Bush. Elle est basée sur la présomption trompeuse que les deux pays sont «sûrs» pour les réfugié-e-s, et qu’en conséquence, les réfugié-e-s devraient demander l’asile dans le premier pays où elles et ils arrivent, soit le Canada ou soit les États-Unis. Cependant, l’accord ne s’applique qu’aux passages frontaliers désignés. Les réfugié-e-s qui, à juste titre, pensent avoir une meilleure chance de recevoir l’asile au Canada plutôt qu’aux États-Unis de Trump peuvent légalement faire une demande d’asile au Canada s’ils ne franchissent pas la frontière à un poste frontalier désigné. Le gouvernement canadien avait décidé de mettre les réfugié-e-s dans une situation précaire en 2004 et il cherche maintenant à fermer complètement la frontière entre les États-Unis et le Canada pour la migration des réfugié-e-s.

Alors que le ministre de l’Immigration Hussen avait été discret à propos des discussions qu’il avait eu avec la US Homeland Security, il a déclaré à CBC à la fin de mai que “… les discussions tourneraient autour de la modernisation de l’Accord de manière à le rendre applicable entre les points d’entrée », ce qui signifie que les réfugié-e-s venant des États-Unis seraient renvoyés, peu importe la situation à laquelle ils sont confrontés aux États-Unis ou s’ils sont expulsés vers leur pays d’origine depuis les États-Unis.

L’accord actuel a amené des milliers de réfugié-e-s à mettre en péril leur sécurité physique en les obligeant d’éviter les postes frontaliers désignés. Certains font de longs voyages en plein hiver. Il y a un an, Mavis Otuteye, une réfugiée ghanéenne âgée de 57 ans, est morte dans un fossé à cause d’hypothermie alors qu’elle traversait au Manitoba. Seidu Mohammed, un autre réfugié du Ghana qui avait été persécuté pour être LGBT, a perdu tous les doigts des deux mains à cause des engelures subies durant son périple pour traverser la même frontière.

La rhétorique partagée actuellement par les groupes d’extrême-droite, les médias corporatifs et même les politiciens des grands partis concernant ces traversées de la frontière, a non seulement permis à cette situation de perdurer, mais menace d’aggraver sérieusement l’attaque menée contre les droits des réfugié-e-s et des immigrant-e-s. La situation des réfugié-e-s forcés de traverser la frontière de manière irrégulière est présentée intentionnellement comme une immigration «illégale». En réalité, la majorité des demandes d’asile faites par les personnes entrant irrégulièrement au Canada sont accordées après examen. S’il n’y avait pas l’ETPS, il y aurait alors un processus plus régulier et plus sûr. On a plutôt fabriqué de toute pièce une «crise des réfugié-e-s» qui stigmatise celles et ceux qui ont fui leur pays pour assurer leur sécurité.

Les groupes racistes et fascistes propagent leurs mensonges islamophobes et brandissent le spectre des «terroristes se faufilant au Canada». Or, lorsque les réfugié-e-s présentent une demande de statut, elles et ils sont tous soumis à des vérifications criminelles et sécuritaires. Des groupes fascistes comme «Storm Alliance» ont organisé au moins trois rassemblements à un endroit où les réfugié-e-s franchissent la frontière du Québec, afin d’intimider et de propager des mensonges racistes. Si le terrorisme était effectivement une préoccupation majeure au Canada, le premier endroit où il nous faudrait regarder, c’est vers les individus et les organisations suprémacistes blanches qui sont responsables de la majorité des attaques terroristes en Amérique du Nord, y compris la tuerie dans une mosquée de Québec en 2017 résultant par le meurtre de six hommes musulmans.

Parmi d’autres points de vue véhiculés par l’extrême-droite et les fascistes, il y a celui qui consiste à blâmer les réfugié-e-s pour les mesures d’austérité que les gouvernements à la solde des grandes entreprises ont adoptées à travers le pays. En fait, le peu d’aide sociale accordée temporairement aux réfugié-e-s avant qu’elles et/ou ils trouvent du travail est dérisoire par rapport aux milliards de dollars que ces gouvernements consacrent aux budgets militaires, aux réductions d’impôts des sociétés et maintenant, aux renflouements financiers des pipelines qui détruisent le climat.

Comme un grand nombre des réfugié-e-s qui traversent actuellement au Québec viennent d’Haïti et du Nigéria, le racisme anti-Noir a gonflé les voiles des groupes fascistes. Il faudrait se rappeler que le Canada a joué un rôle-clé dans la déstabilisation d’Haïti depuis plusieurs années et qu’il y a actuellement 1,7 million de personnes déplacées au Nigeria. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles ces demandeur-euse-s- d’asile demandent le statut de réfugié.

Les réfugié-e-s et les immigrant-e-s sont blâmés pour la situation précaire dans laquelle les place l’attaque du gouvernement canadien contre leurs droits. Les discours haineux et les groupes xénophobes doivent être mis en échec par les forces démocratiques, incluant celles qui sont solidaires des communautés de réfugié-e-s et d’immigrant-e-s.

Le Parti conservateur, maintenant dirigé par Andrew Scheer, qui entretient des liens étroits avec l’extrême-droite et le xénophobe Rebel Media, a demandé à maintes reprises que l’ETPS soit étendue à toute la frontière canadienne. Michelle Rempel, la porte-parole du Parti conservateur en matière d’immigration, a demandé à Trudeau de «fermer l’échappatoire» de l’accord, ce qui signifie refuser tous les réfugié-e-s provenant des États-Unis. Honteusement, il semble que le gouvernement libéral soit largement d’accord.

Pendant que Trump tweete des insultes racistes et xénophobes et que Trudeau tweete que le Canada accueille des réfugié-e-s, la réalité sur le terrain est ce qui compte. Les États-Unis sont un endroit très dangereux pour les réfugié-e-s et les immigrant-e-s. De nombreux demandeur-euse-s d’asile sans casier judiciaire sont incarcérés dans des prisons privées pendant que leurs demandes sont mises en attente et tandis que le taux d’acceptation est en chute libre. Des groupes entiers de personnes perdent leur statut d’immigration aux États-Unis. Par exemple les 57 000 Hondurien-ne-s qui se trouvent aux États-Unis depuis vingt ans ont vu leur statut légal révoqué par l’administration Trump ce printemps. Depuis octobre, les États-Unis ont enlevé à leurs parents migrants détenus 700 enfants, dont plus de 100 bébés et tout-petits, et les ont envoyés dans des établissements à travers le pays. Cela fait partie d’une nouvelle politique visant à utiliser la séparation des familles comme moyen de dissuasion contre l’immigration aux États-Unis. Ces actes horribles commis par les États-Unis sont clairement la principale raison pour laquelle davantage de réfugié-e-s entrent au Canada en provenance des États-Unis.

Lorsque Donald Trump a fait les manchettes en qualifiant l’Afrique, Haïti et El Salvador de « pays de merde », Trudeau a refusé de commenter. Maintenant que les intérêts commerciaux canadiens sont menacés par les tarifs de Trump, Trudeau s’est soudainement trouvé une colonne vertébrale. Le Parti communiste du Canada exige que le gouvernement canadien adopte une position ferme et condamne les politiques racistes et xénophobes de l’administration Trump. De plus, cela doit être soutenu par une approche fondamentalement différente de l’immigration en commençant par déchirer l’ETPS. Actuellement, le Canada compte 15 000 personnes en attente d’expulsion. Le régime actuel d’immigration fondé sur la classe économique et sur le parrainage de la famille exclut les immigrant-e-s de la classe ouvrière du monde entier. Le Canada a besoin d’une profonde réforme démocratique de l’immigration.

Nous demandons également au gouvernement fédéral de supprimer immédiatement la «Liste des pays d’origine désignés», qui interdit aux réfugié-e-s de plus de 40 pays de demander le statut de réfugié au Canada. Cet accord est également conçu pour violer les droits des réfugié-e-s de 40 pays spécifiques que le gouvernement a déclarés «sûrs». Les réfugié-e-s de ces pays sont traités avec plus d’attention que les demandeur-euse-s réguliers et ont plus de difficulté à obtenir leur statut. Cette liste de pays prétendument sûrs inclut des pays qui en sont bien loin, avec des gouvernements de droite et des mouvements fascistes puissants, dont les États-Unis, la Hongrie, la Pologne et l’Autriche. Il comprend également d’autres «alliés» extrêmement violents, tels qu’Israël et le Mexique.

Le gouvernement canadien s’est lui-même rendu coupable d’avoir contribué à l’instabilité, à la mort et à la persécution politique partout à travers le monde en raison de sa participation aux guerres, aux coups d’État et à d’autres interventions impérialistes. Les coups d’État soutenus par le Canada en Haïti, en Ukraine et au Honduras, ainsi que les bombardements canadiens sur la Syrie et la Libye en sont tous des exemples. Le gouvernement canadien a la responsabilité morale d’accueillir les réfugié-e-s dont beaucoup fuient des situations meurtrières que le gouvernement a lui-même contribué à créer. Alors que des millions de réfugié-e-s climatiques sont attendus du fait de l’aggravation des changements climatiques et que l’impérialisme se montre à chaque jour de plus en plus belliqueux, le nombre des personnes déplacées par millions à cause de ces crimes augmentera également. Il est maintenant temps d’agir et de riposter contre les lois d’immigration xénophobes et contre l’extrême-droite.

Le Parti communiste du Canada lutte pour une réforme démocratique de l’immigration dès maintenant!
– Fin de l’Entente sur les tiers pays sûrs et de la liste des pays d’origine désignés;
– Fin des programmes des travailleur-euse-s étrangers temporaires et accès à la citoyenneté  pour les travailleur-euse-s migrants;
– Fin de la détention indéfinie d’immigration;
– Reconnaissance du statut pour tous les résident-e-s sans-papiers;
– Abrogation des lois d’État policier de Trudeau et Harper (C51 et C59);
– Annulation de la législation ciblant les immigrant-e-s musulmans, y compris la loi sur la tolérance zéro pour les pratiques culturelles barbares et les certificats de sécurité.

Comité exécutif central, Parti communiste du Canada